L’arbre champêtre serait-il le catalyseur commun des transitions écologiques et énergétiques ? Que l’on cherche à proscrire l’utilisation des énergies fossiles, à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, à endiguer l’érosion de la biodiversité ou à restaurer le bon état des eaux d’ici 2027, l'agroforesterie s’avère un levier efficace et facile à actionner pour composer un projet de développement global au bénéfice à la fois de l’agriculture et de l’aménagement des territoires ruraux. En France, c’est notamment le cas pour l’agroforesterie bocagère dont on redécouvre aujourd’hui les diverses fonctions et qui mobilise depuis plus de dix ans toutes les catégories d’acteurs des territoires autour d’actions de plantation et de restauration de haies : responsables territoriaux, décideurs politiques, agriculteurs, agroforestiers, associations de citoyens…
Il faut dire que l’on revient de loin… Si l’on se réfère aux données publiées par P. Pointereau en 2002*, 70 % des haies présentes au début du vingtième siècle auraient disparu, soit plus d’un million de kilomètres. Au-delà des impacts sur le paysage et sur la biodiversité, les effets de cette politique d’aménagement du territoire se sont traduits par des problèmes écologiques graves liés notamment aux transferts de l’eau et des sédiments sur les bassins versants : inondations, phénomènes érosifs, comblement des frayères à poisson, pollution des cours d’eau, etc. Face à ce constat, s’en sont suivis d’ambitieux programmes de plantation de haies, à l’instar du programme Breizh bocage dont l'ambition initiale était de lutter contre les phénomènes d’érosion hydrique en implantant des haies et talus en rupture de pente, et de reconquérir la qualité des eaux bretonnes.
Mais que sait-on réellement, sur un plan scientifique et technique, du rôle du bocage sur l’eau ? Comment ces connaissances scientifiques aboutissent-elles à des préconisations opérationnelles et guident l’action collective sur le bocage ?
Pour y répondre, l’Afac-Agroforesteries, qui fédère les professionnels de la haie, de l’arbre champêtre et de l’agroforesterie en France, a organisé en novembre 2018, les sixièmes Rencontres nationales Arbres et haies champêtres à Lannion, dans les Côtes d’Armor, sur le thème « Ressources en eau, ressources bocagères ».
Pendant trois jours, chercheurs, professionnels de la haie, agriculteurs, décideurs politiques, etc. se sont succédé pour faire le point des actions et des travaux de recherche menés sur le bocage au cours de la dernière décennie. Dans ce numéro, la revue Sciences Eaux & Territoires leur offre l’occasion de présenter et d’approfondir leurs résultats.
En complément des avancées scientifiques acquises sur les liens entre l’eau et le bocage, ce numéro met en perspective le devenir de la filière du bocage en France autour d’autres enjeux impactant directement les territoires, dont les services rendus pour la biodiversité ou encore le développement de filières économiques durables - bois, plants certifiés, etc.
Bonne lecture
La rédaction
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* Pointereau, P., 2001, Les haies : évolution du linéaire en France depuis quarante ans, Proceedings of the 2001 Annual IALE Conference held at the university of Birmingham « Hedgerows of the world, their ecological functions in different lanscapes », 7 p.