L'érosion de la biodiversité d'une part et la modification, voire la dégradation des milieux, pour l'essentiel due aux activités humaines, d'autre part, font aujourd'hui l'objet d'une prise de conscience collective. Celle-ci s'est notamment traduite par la signature d'engagements internationaux et la mise en œuvre, au niveau local, d'actions relevant de la restauration écologique et de programmes de recherche en écologie de la restauration. Ces deux types de réalisations se sont néanmoins largement opérés au sein d'univers séparés par des barrières souvent invisibles mais peu perméables.
En effet, depuis les années 1980, les opérations de restauration écologique se sont multipliées, menées par des gestionnaires d'espaces naturels actifs parfois accompagnés de bureaux d'études. Parallèlement, la recherche en écologie de la restauration s'est développée, menant de front expérimentations et conceptualisation, prenant sa place au sein d'une écologie scientifique également en plein développement, mais souvent déconnectée des attentes et nécessités concrètes des acteurs de terrain.
Bien entendu des ponts existent, souvent fondés sur des liens personnels, sur les spécificités historiques régionales, sur l’existence de mouvements ou associations de protection de la nature, dans lesquels praticiens et chercheurs peuvent se retrouver en dehors de leurs cadres institutionnels. Les collaborations mises en œuvre, malheureusement trop souvent ponctuelles, sont alors enrichissantes pour les différents acteurs et sont facteurs d'amélioration à la fois des pratiques et des connaissances.
De plus, au sein même de ces deux univers, une multitude de réseaux constituent des sphères dans lesquelles chacun évolue selon son statut ou selon le statut du site dont il a la charge (Natura 2000, Grand Site, Espaces naturels sensibles des conseils généraux...), selon l'organisme de recherche (université, CNRS, INRA, Cemagref...) auquel il appartient, ou encore selon l'écosystème sur lequel il travaille (landes littorales, pelouses calcicoles, milieux montagnards, zones humides...).
Ainsi, si les connaissances empiriques, techniques et fondamentales existantes sont nombreuses, l'un des enjeux actuels est la mutualisation de ces connaissances et l'établissement d'un socle commun de réflexions et d'actions. C'est dans cette optique que le réseau REVER – Réseau d’échanges et de valorisation en écologie de la restauration – a été créé en 2008. Il s'agit, dans le domaine de la restauration des milieux naturels, de favoriser les rencontres et les échanges entre scientifiques, gestionnaires, praticiens, donneurs d'ordres et étudiants.
Ces échanges ne seraient être à sens unique car si les gestionnaires ou praticiens ont besoin des données scientifiques, de la connaissance des milieux fournies par les chercheurs pour améliorer leurs pratiques, les chercheurs ne peuvent se passer des retours d'expériences des acteurs de terrain et de l'immense potentiel d'acquisition de données qu'ils constituent. Les échanges doivent également s'établir entre praticiens et entre chercheurs car si les sites changent, si les écosystèmes varient, les problématiques sont souvent communes.
Ces échanges mutuels nécessitent néanmoins l'acquisition d'une culture, d'un langage et de réflexes communs : aux chercheurs d'accompagner les gestionnaires, aux gestionnaires d'envisager dès l'initiation d'un projet les modalités de suivi et d'évaluation pouvant être mises en place, même si cela a un coût (souvent minime au regard des travaux envisagés). Ainsi, si l'échelle internationale est souvent mise en avant comme un gage de qualité (et souvent condition sine qua non à l'obtention de subvention), l'établissement de réseaux à l'échelle nationale est fondamentale afin de s'affranchir des freins liés à la langue, à l'accessibilité des personnes et des données, mais aussi aux divergences de dispositifs institutionnels, réglementaires ou législatifs. Des réseaux comme REVER se veulent ainsi complémentaires aux grandes structures internationales telles que la Society for Ecological Restoration – European Chapter qui, si elles sont ouvertes à tous, restent néanmoins principalement scientifiques.
Les textes qui vous sont présentés sont issus des discussions ayant eu lieu au cours du colloque « REVER 2 : Rêver et Partager » journée atelier du réseau REVER qui se sont tenues à Brest les 28 et 29 janvier 2010
Sciences, Eaux & Territoires, la revue d'appui technique du Cemagref, permet ainsi de faire écho auprès d'un public plus large des enjeux et de la diversité des approches en matière de restauration écologique, de présenter des retours d'expérience de projets de restauration écologique, et enfin de transférer des connaissances scientifiques et techniques utiles à la mise en œuvre de projets et de leur évaluation.
Ce numéro thématique reflète la volonté commune d'échanges et d'enrichissement des acteurs de la gestion et de la restauration des milieux naturels, qu'ils soient gestionnaires, scientifiques ou décideurs. Ce numéro participera assurément à la construction d'outils et de mesures de gestion utiles et efficaces.
Nous vous souhaitons une bonne lecture.
Sébastien Gallet
Institut de Géoarchitecture – UBO
Coordonnateur du colloque REVER 2
Élise Buisson
IMEP-Université d'Avignon, Présidente de REVER
Marie-Pierre Vecrin-Stablo
Bureau d'étude ESOPE, Vice-Présidente de REVER
En savoir plus : Le réseau REVER met en place une base de données rassemblant retours d'expériences, rapports d'étude et listes de contacts accessibles via son site www.reseau-rever.org.